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Objet : Le Secteur minier au Sénégal

Porté par le cours élevé des matières premières au début de la décennie, le secteur minier sénégalais a connu un regain d’intérêt de la part des investisseurs, encouragé par les exonérations fiscales et le code minier de 2003. Cela s’est traduit par la remontée et le développement du secteur traditionnel des phosphates, l’ouverture d’une troisième cimenterie, l’essor des investissements dans les mines d’or et la mise en exploitation des minéraux lourds.
En 2015, le secteur représente 1,79% du PIB (1,26% en 2014) sans compter les activités induites (sous-traitance, RSE, etc. : la mine d’or de SGO génère ainsi indirectement 1% du PIB à elle seule), 8,27% des recettes de l’Etat et 30% des exportations (23% en 2014). Le Plan Sénégal émergent (PSE) est porté à 35-40% par le secteur minier, dont 60% par le projet de fer de Falémé (20% des objectifs du PSE à lui seul).
Mais la chute des cours en 2014 et l’adoption en 2016 d’un code minier plus contraignant risquent de limiter l’attractivité du secteur.

1. Les phosphates et le ciment représentent les plus grandes sources de revenus miniers.

1.1. La reprise des ICS par Indorama en 2014 et l’arrivée de nouveaux acteurs augmente la production de phosphate

Le Sénégal exploite depuis l’indépendance d’importantes réserves de phosphate sédimentaire, permettant la production de 1,84 Mt en 2015. Les exportations de phosphate marchand représentent 34 Mds XOF en 2015, soit 2,49% des exportations du Sénégal, et l’acide phosphorique atteint 94 Mds XOF, soit 6,88% des exportations. Les Industries Chimiques du Sénégal (ICS), ont une capacité de 2 Mt de phosphate par an pour des réserves d’environ 60 Mt, et transforment elles-mêmes le phosphate de chaux en acide phosphorique (capacité de 600 000 t/an) : l’acide est destiné à 95% à l’export pour l’unique client (une coopérative de 50 M de fermiers indiens) et à 5% à l’usine d’engrais des ICS (destiné au marché domestique et malien). Privatisées en 2008, les ICS avaient été achetées par une société indienne qui a laissé péricliter l’outil industriel jusqu’à la quasi-faillite. Le rachat des ICS par l’indonésien Indorama en 2014 s’est accompagné d’un plan d’investissement de 225 M$ en deux ans, permettant une remontée de la production de phosphate de 0,75 Mt en 2014 à 1,7 Mt en 2016, et de 198 000 t à 600 000 t pour l’acide phosphorique.
Un autre gisement de phosphates est exploité dans la région de Matam par la Société Minière de la Vallée du Fleuve Sénégal (SOMIVA), entrée en production en 2015 : sa capacité annuelle de production de 700 000 tonnes (utilisée à 75%) est appelée à atteindre 1,2 Mt fin 2018, et ses réserves s’élèvent à 36 à 40 Mt. A Diourbel à 145 km de Dakar, la société australienne Avenira a obtenu en 2015 un permis d’exploitation de trois ans renouvelable (projet Baobab) et a réalisé un investissement de 15,7M$. Entré en production à l’été 2016, sa capacité atteindra 750 000 t/an en 2017.

1.2. Le ciment est la deuxième source d’exportation du secteur après les phosphates (8% en 2010).

Le Sénégal possède d’importantes réserves de calcaire et compte désormais trois cimenteries. La Société Ouest Africaine des Ciments (SOCOCIM), acteur historique et filiale du groupe français VICAT depuis 1999 (400 emplois directs et 600 indirects), a une capacité de 3,5 Mt/an et une production effective de 2,8Mt en 2016, son chiffre d’affaire s’élève à 109 Mds XOF (166 M€) en 2015. Les CIMENTERIES DU SAHEL (CDS) de la famille LAYOUSSE (560 emplois permanents) ont une capacité de 3,2 Mt/an et une production effective de 2 Mt en 2016, pour un chiffre d’affaire de 87 Mds XOF en 2015. Le nigérian DANGOTE CEMENT (700 emplois dont 200 salariés directs) a une capacité de 1,5 Mt/an, et une production effective de 1,2 Mt en 2016, pour un chiffre d’affaire de 53 Mds XOF. Son entrée en production en janvier 2015 a mené à une baisse des prix, désormais parmi les plus bas d’Afrique de l’Ouest, et du taux d’utilisation des capacités des concurrents (Dangote prétend avoir atteint un tiers des parts de marché en moins de deux ans grâce à une stratégie marketing offensive). Le pays demeure malgré tout en surproduction : la production totale du Sénégal a été de 6 Mt en 2016 (4 Mt en 2010) pour une capacité de 8,2 Mt, tandis que la demande domestique se limite à 3,4 Mt par an, avec une croissance moyenne de 4,5% par an. L’excédent est exporté (essentiellement par SOCOCIM et CDS) dans la sous-région, principalement au Mali mais ce débouché est menacé par plusieurs projets de cimenteries maliennes. En 2015, les exportations de ciments du Sénégal représentent près de 105 Mds XOF (157 M€), soit 7,68% du total des exportations du pays.

2. Le secteur s’est diversifié avec la montée en puissance de l’or et la mise en exploitation des minéraux lourds

2.1. Sabodala Gold Operation est la seule mine d’or industrielle en exploitation, mais les projets se multiplient.

Les exportations aurifères sont passées de 7 Mds XOF en 2008 à 85 Mds XOF en 2010, pour atteindre plus de 150 Mds XOF en 2015, soit 11,02% du total des exportations du Sénégal. Les ressources d’or mesurées et indiquées du Sénégal s’élèvent à 12 M d’onces (contre 40 M au Mali). Sabodala Gold Operation (SGO), détenue à 90% par le canadien Teranga Gold et à 10% par l’Etat sénégalais, possède la seule mine d’or industrielle actuellement en production au Sénégal, dans la région de Kédougou (1 Md $ d’investissement au total, 1 200 emplois, moins de 10% d’expatriés). Exploitée depuis 2009, sa production est de 200 000 à 230 000 onces par an. Les réserves prouvées et probables de la mine s’élèvent à 2,6 M d’onces, soit une durée de vie de treize ans (jusqu’en 2029), mais l’entreprise peut convertir en réserves une part des ressources de sa base étendue : 4,4 M d’onces de ressources mesurées et indiquées (incluant les réserves prouvées et probables) et 944 000 onces de ressources inférées au 31 décembre 2015. La mise en exploitation du gisement Niakafiri (300 000 onces de réserves (700 000 onces de ressources) est aujourd’hui bloquées par la population locale qui s’oppose au déplacement de cimetières. SGO peut aussi faire de nouvelles découvertes, son portefeuille d’exploration régional s’étendant sur environ 1000 km². D’autres projets existent dans la même fenêtre aurifère, notamment le projet Petowal Mining Company S.A. (PMC), filiale du britannique TORO GOLD : l’exploration, lancée en 2009 et menée par la filiale Mako exploration, a révélé 1 M d’onces de réserves, et une concession d’une durée de 15 ans a été obtenue en juillet 2016. La construction de la mine doit durer 18 mois pour un investissement de 160 M$ ; le premier lingot est prévu pour 2018. PMC vise une production de 137 000 onces/an sur six ans, générant 300 emplois. WATIC-Bassari Ressources a obtenu fin 2016 un permis d’exploitation de 5 ans renouvelable pour le gisement Makabingui (1 M d’onces d’or contenues dans 11,9 Mt de minerais d’une teneur moyenne en or de 2,6g/t), pour une entrée en production également en 2018
Le projet Boto d’AGEM IAMGOLD est encore en phase d’exploration, pour une entrée en production vers 2020 (ressources évaluées à 1 563 000 onces). Le projet Massawa de RANGOLD a abouti à la découverte de 3 M d’onces de ressources mais il s’agit de minerai réfractaire dont le traitement requiert un coût énergétique dissuasif. En outre, plus de 65 permis de recherches ont été octroyées.

2.2. Les minerais lourds représentent 3% des exportations du Sénégal.

Le Sénégal possède trois gisements de sables minéralisés à forte concentration en minéraux lourds, dont un est en exploitation : GRANDE COTE OPERATIONS S.A. (GCO), détenue à 10% par l’Etat Sénégalais et à 90% par TiZir (une société codétenue à 50% par le groupe français ERAMET et à 50% par l’australien MINERAL DEPOSITS LIMITED – MDL). GCO a obtenu en 2007 une concession de 25 ans et 1 500 km² pour exploiter les sables titanifères des dunes la Grande Côte (au Nord de Dakar), d’une teneur moyenne de 2% en minéraux lourds. Un investissement de 650 M$ US a été fait pour réaliser un projet minier intégré, qui est incorporé au Plan Sénégal Emergeant, incluant la réhabilitation et la concession sur la voie de chemin de fer de Diogo (Mboro) au Port Autonome de Dakar.
Entrée en exploitation en 2014 pour au moins trente ans, la mine produit du zircon d’excellente qualité : c’est le quatrième plus gros gisement en exploitation au monde. Grâce à sa situation géographique idéale pour réduire les coûts logistiques, GCO exporte dans le monde entier : un tiers vers Europe, un tiers vers le continent américain et un tiers vers l’Asie. Le zircon est essentiellement utilisé dans la production de céramiques, les équipements de haute technologie (portables, écrans plasma…) et certains composants de l’industrie aérospatiale. GCO produit également de l’ilménite, principalement destinée à l’industrie des pigments de peinture. L’ilménite 58 est directement vendue sur le marché des industries chimiques, tandis que l’ilménite 54 est destinée à l’usine d’enrichissement de Tyssedal en Norvège, également détenue par TiZir, où elle est transformée en laitier de dioxyde de titane. Enfin, GCO produit de faibles quantités de dérivés d’ilménite (dont l’oxydation a réduit la teneur en titane) vendus dans le monde entier : le rutile (utilisé dans des alliages) et de leucoxène (essentiellement destiné à la production de baguettes de soudure).
Les objectifs de production sont 75 000 tonnes de zircon par an en 2018 et de 600 000 tonnes d’ilménite par an : ces objectifs sont atteints à 75% en 2016, où la production représente déjà 3% des exportations du Sénégal (60 Md XOF). GCO réalise un chiffre d’affaire de 107 millions US$ en 2016, pour un coût opératoire de 90 M$ US. Bénéficière depuis mai 2016, l’entreprise commence à rembourser sa dette à sa maison-mère (1,5 à 2 M$ par mois). Elle emploie 750 permanents en direct, dont soixante expatriés de 13 nationalités, et génère 800 emplois indirects.
En Casamance, un arrêté ministériel de 2004 autorisait la société australo-chinoise CARNEGI-ASTRON à explorer la côte sur 750 km². Le gisement de zircon de Niafourang (7 km de long et 150 m de large sur une Aire maritime protégée) a été évalué par la société mais n’a pas été mis en exploitation du fait de l’opposition des habitants du village de Niafourang qui dénonçaient notamment le risque d’affaiblissement des dunes, digues naturelles qui protègent les rizières de la mer. L’étude de faisabilité et d’impact environnemental a été menée, et l’entrée en production pourrait se faire en 2018 pour un objectif de 54 000 t/an. Enfin, la société SALOUM RESSOURCES SARL détient un permis de recherche dans la zone Sud Mbour – Djiffer (exploitée dans les années 1960).

2.3. La MIFERSO veut relancer le projet d’exploitation du gisement de fer de Falémé abandonné par Arcelor-Mittal.

Créée en 1975 et détenue à 76% par l’Etat Sénégalais et à 24% par le BRGM (le service géologique national français), la société des Mines de Fer du Sénégal Oriental (MIFERSO) est chargée de trouver des investisseurs pour mettre en exploitation le gisement de fer de FALEME au Sud Est du pays (630 Mt de ressources prouvées), et celui de OLOLDOU, plus au Nord. Le projet de Falémé représente à lui seul 20% des objectifs du PSE, et 60% de ses objectifs miniers. Suite à la non-application du contrat signé avec ARCELOR-MITTAL en 2007, la MIFERSO cherche à relancer le projet avec un objectif de 12 à 20 Mt/an de minerai marchand (d’une teneur moyenne en fer de 62,7%) après trois ans de production, pour un investissement total de 3 Mds$ (plus ou moins 20%) incluant : l’obtention de la concession minière de 1100 km² et la construction de la mine, la réhabilitation de la voie métrique Bargny-Tamba (430 km) et sa prolongation jusqu’à Falémé (311 km) et la construction d’un port minéralier et vraquier de 22 m de profondeur (19 m avant dragage) à Bargny-Sendou près de Dakar. L’ensemble mine-train-port génèrerait 3 000 à 4 000 emplois directs et 16 000 emplois indirects en phase exploitation. Enfin, le projet de Falémé inclut la création d’une unité sidérurgique (5 000 emplois directs) : un haut-fourneau d’une capacité de 0,5 à 3 Mt/an et une usine métallurgique produisant des produits finis (rails, poutrelles…) destinés à la sous-région.
Le consortium Sud-Africain formé par TRANSNET et NTONGA a signé en mai 2016 un protocole d’accord de deux ans extensible, pour mener à bien une étude de faisabilité bancable. Les résultats préliminaires seront connus au T1 2017, la levée d’option attendra les résultats définitifs et l’aval des banques, au T2 2018, soit, dans le cas favorable, un projet opérationnel vers 2021-2022, et en plein régime vers 2024-2025. Quand le protocole a été signé, le prix de vente du fer était de 53 $ la tonne : il est remonté à 75$ en décembre 2016, et devrait se stabiliser à 80$, ce qui contribuerait à la viabilité du projet. Le coût de revient projeté étant de 35 $ à 40 $ la tonne chargée sur le bateau (tous frais compris : concession, infrastructures, frais bancaires, énergie, etc.), le taux de marge serait alors de 50%.
Le cadre règlementaire tend à se structurer, augmentant les contraintes pour les investisseurs

2.4. La multiplication des acteurs institutionnels témoigne de l’intérêt croissant porté au secteur

Le secteur minier est suivi depuis 2014 au Ministère de l’Industrie et des Mines, dont la Direction Générale des Mines (DMG) élabore le cadre législatif et réglementaire et instruit les dossiers de demande de titres miniers. Deux nouvelles directions ont été créées en avril 2015 : la Direction du Contrôle et du Suivi des Opérations Minières (DCSOM) et la Direction de la Prospection et de la Promotion Minière (DPPM). Cette dernière est chargée de proposer des zones promotionnelles à mettre à la disposition des investisseurs potentiels. Elle supervise aussi le Groupe des Laboratoires d’Analyse qui permet à l’Etat de prendre un rôle actif dans la prospection minière, financé par le nouveau Fond d’appui au secteur minier qui percevra 20% de la redevance minière.
Officiellement lancé le 17 mars 2015, le Réseau parlementaire pour la bonne Gouvernance des ressources Minérales (RGM) cherche à promouvoir une gestion transparente du secteur minier en vue d’assurer la défense des intérêts des populations, en particulier celles qui sont affectées par l’exploitation des mines. Le 29 septembre 2016 à Dakar a été lancé le RGM-AO pour étendre le réseau aux parlements de quatorze pays Ouest-Africains.
Depuis 2013, le Sénégal a le statut de pays candidat à I’ITIE (Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives) qui vise à améliorer la gouvernance du secteur extractif en publiant sa contribution au développement et en confrontant les versements à l’Etat déclarés par les entreprises aux recettes que l’Etat déclare avoir perçues.
Créée en 2013, la Chambre des Mines du Sénégal représente les sociétés minières en exploitation ou en exploration et leurs sous-traitantes pour défendre leurs intérêts communs, corriger la perception souvent négative du secteur et faire la promotion du secteur minier sénégalais. La Chambre possède trois commissions : une commission juridique, fiscale et douanière, une commission dédiée à l’environnement, la santé, la sécurité, la RSE et aux questions communautaires, et une commission communication.

2.5. Le nouveau code minier pour un partage plus équitable des richesses entre les entreprises, l’Etat et les populations mais qui risque de nuire à l’attractivité du secteur.

L'Assemblée nationale a adopté le 30 octobre 2016 un nouveau Code minier, dont les acteurs privés estiment qu’il remet en cause l’attractivité du pays. Les entreprises minières considèrent en outre que la nouvelle législation ne peut s’appliquer aux acteurs déjà implantés, sans quoi ils intenteront des procédures d’arbitrage, mais craignent que le renforcement des contraintes juridiques entraine le passage de certains concurrents dans le secteur informel.
L’Etat sénégalais recevra toujours 10% d’actions gratuites lors de la constitution d’une société d’exploitation, mais le nouveau code prévoit une alternative, le contrat de partage de production.
Les exonérations douanières et fiscales du secteur minier ont coûté 401,2 Md XOF à l’Etat sur 2005-2012 : en réponse, le nouveau texte prévoit le renforcement du contrôle et des sanctions, l’introduction de pénalités de retard de 100 000 $ par mois si l’entreprise n’est pas entrée en production trois ans après l’obtention du permis, la baisse de la durée des permis d’exploitation de 25 à 20 ans (avec révision tous les 12 ans de la convention d’exploitation), l’augmentation des droits fixes d’entrée, la réintroduction de la taxe superficiaire, la création d’un Fond d’appui au développement local qui percevra 0, 5% du chiffre d’affaires des sociétés minières en lieu et place de la taxe locale, et l’augmentation de la redevance minière dont le taux sera de 3 à 5% du chiffre d’affaire selon les ressources, doublant les recettes. Une nouvelle clef de répartition de la redevance minière est adoptée : 20% iront aux collectivités, 60% au budget de l’Etat et 20% au Fond d’appui au secteur minier.